Salon du Body Fitness 2016 : j’arrête tout !!

De retour de mon petit tour de piste annuel au salon parisien de la forme et du bodybuiding, j’en reviens toujours un peu plus blasé ; Presque dans le même état qu’au lendemain d’une énième élection politique pleine de promesses non tenues. Pour reprendre, d’ailleurs, une formule –en la détournant un peu au passage- qui a montré ses limites en se confrontant au réel : « le changement, et bein c’est pas encore pour maintenant !»

A dire vrai, depuis mes débuts dans cet univers et ma participation, en tant qu’exposant à l’aube du troisième millénaire, à ce qui est sensé constituer la grand’ messe de la profession, je me sens de plus en plus étranger à ce milieu tel qu’il nous est vendu. Car depuis l’an 2000, rien n’a réellement évolué dans cet éco système parallèle, où les créatures les plus improbables côtoient les marchands de forme de tous horizons, sur fond de cacophonie assourdissante dans un grand ballet égotique.

Etat des lieux.

Bienvenue à Ego Land !

Commençons tout d’abord par la forme ; ce qui est la moindre des choses considérant qu’il s’agit d’un salon professionnel dédié au fitness et à la musculation, vous en conviendrez.
Le salon du body, comme son nom le suggère, est d’abord un lieu où on vient se montrer. Les exposants d’abord, mais également les visiteurs. On vient y exposer ses biceps et ses pecs, son cul ou ses bumpers siliconés …voir les quatre. Grosso modo, c’est comme dans un épisode de Star Wars où différentes races d’Aliens prennent un verre dans une taverne intergalactique (qu’est-ce que ce sera en 3016 alors ?!).
Petite galerie de personnages :

  • Le Kéké des (Paris)plages :

En leggings slim, tee-shirt échancré et doudoune courte garnie d’une capuche en fourrure, le Kéké n’hésites pas à se parer de ses énormes lunettes de soleil pour se protéger des sunlights artificiels qui donnent un ton blafard et peuvent potentiellement ruiner son bronzage et son allure de star de télé réalité. Plus fashion victim tu meures. Lui, il est là pour se montrer, se faire prendre en photo et travailler son image à l’international avant le prochain casting pour l’ultime « Koh Lanta dans la jungle de Calais ».

  • Le Culturo-anabo :

Facile à reconnaître, il est une des figures emblématique qui évolue le moins dans cet univers. Les bras largement écartés pour tenter de faire le lien entre les stands qui garnissent de part et d’autre les allées qu’il emprunte, il s’échauffe les épaules en portant deux gros seaux de protéines avant d’aller essayer les énièmes machines à pecs qui trônent dans les endroits stratégiques du salon. Il ira déguster les nouvelles saveurs édulcorées de ses marchands de poudres favoris avant d’aller comparer la taille de ses bras ou de sa mâchoire avec celle de ses pairs ; et oui, les stéroïdes ne font pas que faire pousser les biceps !
Comme à la maternelle, il faut continuer à jouer à savoir qui a la plus grosse.

  • La miss Fitness 85’ :

Avec un fessier à faire pâlir n’importe quelle ménagère ménopausée à l’arrière train gélatineux, miss fitness 85’, bien que de la même classe que la dite ménagère, ajuste parfaitement son string afin de jouer de son boule dans les allées. Côté face B, toujours, quand on remonte le long de l’anatomie, les épaules son larges et dessinées, et la crinière peroxydée un peu usée, mais ça passe encore. Face A, par contre, les deux bumpers en plastique sous le cuir parcheminé par les trop nombreuses heures de cabine d’UV nous font hésiter à admirer le reste de cette fleur fanée. Putain, c’est loin 1985, mais c’était une grande année. Y’en a qui sont resté bloqué dans la Delorean du Doc. Il existe d’ailleurs un modèle légèrement différent. On part sur le même type de châssis, mais comme Madame a usé et abusé des anabos de Monsieur, elle a la mâchoire plus développée que la mienne (oui il y a une légère pointe de jalousie je vous l’accorde)…à moins que Monsieur ait souscris à la théorie du genre et ait décidé de changer de registre…on ne sait plus trop finalement.

  • L’hystérique accessoirisée :

Adepte de la Zumba, « fluo girl » sautille en hurlant tout autour de son stand pour te vendre une énième merde inutile qui finira par prendre la poussière tout aussi surement que l’assiette en coquillage offerte par grand mémé de retour de son voyage en autocar avec les anciens, à Honfleur. Elle aussi a débarqué de la Delorean de Doc. C’est super cool de pouvoir se prêter les fringues avec sa fille de seize ans. Mauvaise langue va.

  • La/le fit’ addict :

Elle/il pratique tous les cours co de sa salle favorite, et connais par cœur toutes les chorés des Body bidules. Il/elle voue un culte sans limite à la crème des presenters internationaux qui lui vendent du rêve à longueur de cours. Après ses dix heures de cours hebdomadaires à base de step, aéro et autre push’n push, il/elle n’a qu’une envie … lire un livre en prenant l’air ?! … Vous n’y êtes pas du tout ! S’enfermer dans un hangar avec d’autres fit’addict afin de s’enchaîner dix autres heures de step, aéro et autre push ‘n push dans une ambiance assourdissante, mais cette fois-ci, concentrées sur un week end, et sans la possibilité de prendre une douche. On est passionné ou on ne l’est pas.

  • Le touriste 1 :

La masse des gens comme moi, qui se promènent, observent, espèrent trouver quelque chose qui sorte du lot, ou continuent de se demander ce qu’ils font là. Merde après tout, moi aussi je pratique la culture physique ! Tu finis par avoir la même sensation que lorsqu’on te demande si tu regardes le foot à la télé, et qu’après une réponse négative de ta part, l’autre te répond : « t’aimes pas le sport ? ».

  • Le touriste 2 :

… « Euh c’est pas le salon du tourisme ? »
-« Non monsieur, c’est le hall en bas de l’escalator, face à « Franchise expo ».

Vous allez sans doute me trouver sévère et prétentieux ; surtout de la part d’un type qui porte un bandana sur ses vidéos et dans ses livres. Sans doute. Mais comme je vis quasiment comme un ermite depuis quatre ans, l’exposition soudaine à toute cette faune exacerbe un trait de caractère dominant chez moi : l’observation, l’analyse et le démontage des systèmes, afin d’en extraire le meilleur, en évitant de se faire piéger par le marketing, la notion identitaire et sclérosante d’appartenance au groupe, et la distance et le recul qu’il faut avoir sur toute chose, sous prétexte de devenir un abruti mono-thème facilement manipulable. Et surtout, avoir conscience du côté pluridimensionnel de l’être humain ; les images sont toujours trop réductrices. Je vous rassure, je n’ai pas besoin de mettre mon bandana pour m’entraîner.

Après la forme, intéressons-nous maintenant au fond … en espérant ne pas le toucher…

Quoi de neuf en Body bidule ?

Dans un bon système politique bien décadent qui cherche à se maintenir avant l’inévitable effondrement, la formule phare pour maintenir la paix sociale tient en deux mots : du PAIN et des JEUX. Et bien, si l’on conserve cette analogie, le salon du fitness c’est de la BOUFFE et des FRINGUES.
Allez circulez… Y a rien (d’autre) à voir.

  • T’as pas pris ta PROT ??!!!

Assister à une séance de distribution de compléments alimentaires par un des exposants du temple vaut son pesant de cacahouètes. Imaginez trois Godzilla stéroïdés perchés sur la banque d’accueil de leur stand, se détachant d’un mur de pots de protéines en poudres colorés en guise de décor, jeter dans la foule avide, massée devant l’autel, les bras tendus comme implorant le ciel, barres protéinées, encas sur-vitaminés et autres joyeusetées cybernétiques propres à vous flinguer les organes mais à vous donner l’illusion que vous allez enfler comme les trois zigues en l’espace de quelques semaines. D’ailleurs, rien qu’à regarder les produits, tel un système de vases communicants, ton portemonnaie entame une sèche irréductible à mesure que tes bras se chargent –et oui, la poudre dans des gros pots, ça pèse son poids- mais pas de muscles.
C’est sûr que l’alimentation vivante et bio ça fait pas rêver. C’est pas sexy. Mais là, c’est le palais de la chimie ! Autant vous dire que vos organes aussi vont avoir leur part de Workout pour éliminer tout ça !

  • Si à 50 ans t’as pas ton petit top fluo à 60 € t’as raté ta vie

Alors là, rien à ajouter, si ce n’est que toute pratique sportive doit obligatoirement s’accompagner d’un matériel et d’une tenue adaptée à renouveler périodiquement. C’est indispensable ! Et qu’importe que des types sans le sou courent des marathons pieds nus, il n’y a pas à dire, on s’entraîne mieux avec un short à 60€ ou avec une paire de basket à 150.

  • Et l’inspecteur gadget dans tout ça ?

Depuis mes débuts dans la profession, j’ai toujours été effaré de la créativité des marchands du temple en termes d’accessoirisation. Moi qui ai toujours eu une approche plutôt minimaliste de l’entraînement, n’utilisant que quelques accessoires bien choisis, je dois dire que j’en ai vu défilé des gadgets inutiles dans ce secteur !
C’est simple, vous prenez un catalogue généraliste de matériel de fitness de 60 pages, et vous virez tout ce qui ne sert à rien ou presque, et bien il vous reste à tout casser deux pages ; et encore, je compte la couverture. Allez un petit truc pour sélectionner vos nouveaux bidules inutiles. A chaque fois que vous observez du matos, demandez-vous quelle est sa valeur ajoutée et ce qu’il vous apporte en regard de ces quatre catégories de mouvements : Flexion de jambes / Répulsion / Traction / Sangle abdominale.

  • Petite démonstration sur les sangles de suspension.

Prenons trois outils que je possède et connais bien : les anneaux de gymnastes, le Jungle gym et le Trx.

Budget : respectivement (à la louche) 50 €, 100€ et 200 €.

J’ai volontairement classé le matériel dès le départ en fonction de mes préférences. Les anneaux bénéficient de deux points d’ancrages, facilitant les mouvements unilatéraux. Ils permettent également par leur solidité, de faire des tractions et des figures classiques de gymnastique, en plus des exercices plus spécifiques que l’on peut réaliser avec les deux autres outils. Le Jungle Gym et le Trx, grâce à leurs étriers, permettent de positionner confortablement les pieds pour travailler la sangle abdominale. On peut le faire aussi avec les anneaux, mais c’est moins confortable. Ils ne permettent pas, par contre, les tractions. En clair, on a du mal à se suspendre et à se tracter grâce à ces sangles de suspensions ; ce qui est un comble. Finalement, le Trx, avec son point d’ancrage unique, ne permet pas les mouvements unilatéraux, contrairement au Jungle Gym. Ces deux outils brillent finalement par le confort qu’ils apportent (poignées rembourrées et étriers).

Et bien perso, je préfère le matériel le moins cher, le plus polyvalent mais un peu moins confortable.

En plus, le bois est une matière noble, qui offre des sensations « organiques » en termes de prise. Mais chacun sa sensibilité. J’ai été le premier à introduire en France l’utilisation fitness des anneaux de gymnastes, dans mon ouvrage « l’Encyclopédie des mouvements de musculation avec poids de corps » (Manokan 2009 pour la première édition). Et bien, je reste définitivement sur cet accessoire que je considère comme le plus fantastique outil de musculation de la partie supérieure du corps…Et il existe depuis des lustres !

Bref, il y en a pour tous les goûts et il faut bien que l’économie tourne. Perso, j’ai toujours cherché à en faire, justement, des économies. D’argent d’une part -avec plus ou moins de succès je vous l’accorde- en évitant de dilapider mon fric dans des trucs inutiles ou limités mais flashy et tendance. De temps ensuite, en sélectionnant des outils et des exercices apportant des bénéfices et un rendement temps investi/résultats optimum.

Quant aux différentes machines, vous aurez compris depuis longtemps que ce n’est pas ma tasse de thé ; dans l’ensemble trop peu fonctionnelles. Alors les petits malins de l’industrie ont inventé des machines « fonctionnelles » puisque c’est dans l’air du temps. Ma question est simple : Pourquoi acheter un simulateur de grimpé de corde à 5000€ avec un mécanisme compliqué encombrant et très probablement fragile, alors que je peux suspendre une corde à 50 € à une poutre ou à une potence ?!

Tournons-nous alors du côté des nouveaux concepts de cours pour voir ce qu’il en est de la nouveauté. Là aussi, force est de constater qu’hormis quelques concepts phares en place depuis quelques dizaines d’années, comme le step, le pump, le pilates et les divers cardio boxing class, rien de révolutionnaire. A vrai dire, l’industrie serait même la championne des concepts à la con dans un soucis de recyclage permanent.

J’attends avec impatience le premier cours collectif de kettlebells sur trampoline !

Alors ?! rendez-vous l’année prochaine ou j’arrête tout ?

Ils ne me laisseront probablement pas entrer l’année prochaine au salon du fitness à Paris !
Peu importe finalement. Cela n’impactera pas mon entraînement quotidien.

L’humain a sans doute besoin de s’identifier à un groupe, à une culture, une communauté pour ancrer son action. Ce que je critique finalement, c’est le manque de sens qu’il peut y avoir à tout cela. Car un néophyte qui pousserait la porte de ce salon par inadvertance (le touriste 2 par exemple), pourrait être complétement dérouté par ce qu’il voit et se dire finalement que tout ça n’est pas pour lui. Ce « tout ça » n’est pourtant que du marketing ; la partie émergée de l’iceberg, ou l’arbre qui cache la forêt. Car n’oublions pas l’essentiel. Les fantastiques bénéfices physiques et mentaux que nous apportent quotidiennement la pratique d’une activité physique. Quelle que soit la forme que prenne votre pratique d’ailleurs.

Je voudrais juste terminer sur une note positive qui va dans ce sens, et un peu plus démonstrative. A cette édition 2016 du salon, j’ai vu une belle démonstration de Street Workout, avec un bel athlète en fauteuil roulant exécuter des figures à la barre fixe. La barre fixe est un outil minimaliste ; elle existe depuis la nuit des temps. Le pratiquant développe une belle musculature qui est par-dessus tout fonctionnelle, mais il nous fait passer un autre message. Celui de la transcendance et du dépassement de soi. Alors au-delà du bal des égos, des caricatures et des raccourcis faciles et stériles, il ne faudrait pas que ce type d’événement masque le message essentiel de la culture physique :

Bouges-toi le cul car tu n’as pas le choix. C’est bon pour ton corps et ta tête, ça peut te servir, et c’est un excellent moyen de dépasser ta condition, de faire de l’art et de toucher au sublime.

L’homme n’est pas qu’un corps ou une tête, mais la symbiose des deux dans une unité divine.

Bon salon, et surtout bon entraînement !

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1 commentaire sur “Salon du Body Fitness 2016 : j’arrête tout !!

  1. Bravo! j’adore!

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